Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

EL-OUED SOUF

Publicité
EL-OUED SOUF
EL-OUED SOUF
Derniers commentaires
14 avril 2009

La remontée des eaux dans le Souf

   Si la baisse du plan des eaux constatée aux débuts du XXe siècle avait justifié la recrudescence des forages artésiens des années 50, l’intensification de ceux-ci dans les années 70/80 avait provoqué l’inondation et, du coup, le dépérissement des Ghoût traditionnels.   

   Paradoxalement, le dépérissement des palmeraies était du, dans le passé, à l’appauvrissement de la nappe phréatique.  

    A la fin du XIXe siècle, la nappe phréatique qui était la raison même d’exister des oasis du Souf commençait à baisser et la première préoccupation des autorités coloniales visait alors à répondre aux besoins de la population en eau potable tout en tenant compte de la pression démographique et des ressources potentiellement exploitables. Selon les études faites à l’époque, la cause de cette baisse était due à la surexploitation de la nappe par la multiplication des palmeraies conséquemment à l’accroissement sans cesse de la population. Par ailleurs, le colmatage du sol par accumulation de sédiments gypseux ou argileux gênait les racines de croître normalement pour atteindre la couche humide. La conjugaison de ces deux facteurs empêchait l’eau de se renouveler au rythme de son absorption, ce qui condamnait les palmiers au dépérissement. Comme on ne pouvait pas limiter ou interdire la création de nouvelles palmeraies sans remettre en cause le sens de la propriété des autochtones, l’Administration songeait à remédier à la situation par la pratique de pompage au moteur. Des tentatives ont été faites mais se sont révélées dangereuses. La topographie du sol impose au renouvellement de l'eau un débit très faible tandis que la baisse du plan d'eau prend alors des proportions alarmantes que rien ne pouvait arrêter. Lorsque la baisse d’eau atteint un mètre, la fructification s’appauvrit et au delà,  le palmier fragilisé devient vulnérable et finit par sécher. Or le palmier-dattier, arbre miracle du désert, qui peut vivre de 150 à 200 ans, n’est rentable que s’il vit longtemps dans son milieu naturel.

   L’Administration pensait trouver la solution dans le forage et le pompage de l’eau artésienne. Cependant, d’apparence simple, cette nouvelle technique demande des calculs complexes, sous peine d’aboutir à des résultats désastreux. En 1894, une première tentative a été poussée jusqu’à 100 et 150 mètres à Guémar puis à Tiksebt, mais sans résultat probant. Les services compétents se résignèrent donc à attendre, avant de s’engager dans une entreprise qui n’est considérée comme sûre que si elle est basée sur une clairvoyante étude. Par bonheur, le Souf semblait encore en bonne santé, plutôt épanoui et pouvant attendre. Ce n’est que cinquante ans plus tard qu’un forage de prospection fut effectué à 400 mètres de profondeur à hauteur de Sif El-Menadi (90 km d’El-Oued sur la route de Biskra). A la fin de l’été 1953, l’eau douce jaillit avec violence de 435 mètres. Malheureusement, cette eau abondante et exploitable ne pouvait pas être utilisée pour irriguer les ghouts traditionnels au risque des les inonder et de provoquer par contre-coup leur dépérissement. Il fut alors décidé d’exploiter ce forage dans les environs immédiats. Au cours de l’été 1955, un forage beaucoup plus important dans la même nappe et destiné à l'irrigation d'une palmeraie de 20.000 dattiers à Hamraïa (120 km d’El-Oued, également sur la route de Biskra) a permis la sédentarisation de 400 familles nomades. Dans cette zone pilote, terrains d’expériences coûteuses conduites par l’Administration sous l’œil stupéfait des fellahs soufis, un verger expérimental y avait également été créé avec succès, et où la plantation d’arbres fruitiers, en plus des dattiers, avait donné des profits immédiats et rentables.

 

La remontée des eaux dans le Souf

   L’élévation du niveau des eaux dans le Souf est aujourd’hui une réalité inquiétante et son influence sur l’écosystème se fait ressentir de plus en plus. Les facteurs responsables de la remontée des eaux et leurs conséquences pour l'environnement et la santé humaine sont de mieux en mieux cernés mais de plus en plus incontrôlables.

   Assises sur une sorte de « banquise » de sable, les oasis du Souf se révèlent particulièrement vulnérables aux variations du niveau de la nappe phréatique. La baisse, comme la saturation de cette nappe, à priori imputables à la croissance démographique et à l’activité humaine, ont été fatales surtout pour les Ghoûts traditionnels (palmeraies), base de l’économie locale et fierté esthétique de la région. Aujourd’hui, la population du Souf est condamnée à s’adapter et à vivre avec la remontée des eaux au péril de son environnement et de sa santé. Au fil des années, la poussée démographique et les activités économiques ont rongé et altéré le fragile manteau de sable par l’épuisement de la précieuse nappe phréatique sous-jacente d’une part, la dégradation et l’inondation du sol par l’eau des forages artésiens d’autre part. La sauvegarde de  l’écosystème est un enjeu majeur pour lequel chaque citoyen a sa part de responsabilité et l'équilibre écologique du Souf est fortement tributaire de sa stabilité démographique. Les derniers forages artésiens, effectués dans les années 70/80, dont l’honorable initiative était de satisfaire la population en eau potable, se sont avérés une véritable bombe à retardement, ou plutôt la goûte qui a fait déborder le vase. Ils ont particulièrement fragilisé à long terme l’écosystème par la pollution de la nappe phréatique, devenue non seulement inutilisable pour l’irrigation et la consommation, mais un vrai casse-tête pour l’avenir économique et écologique de la région. La conséquence est la transformation progressive du milieu naturel en espaces  marécageux avec tous les risques de voir se développer des foyers de moustiques et d'épidémies jadis inconnus. De fortes averses pourraient causer des inondations et menacer les installations économiques et les constructions, alors que d’ordinaire les pluies les plus violentes n’avaient pas d'impact négatif sur l’environnement local. Au contraire, les précipitations, aussi rares soient-elles, étaient très appréciées et attendues surtout en automne pour leur rôle de rafraîchissement du climat nécessaire à la conservation des récoltes.

   Après l’engloutissement des ghoûts, ce sera bientôt le tour des palmeraies de surface, des jardins, des villages et des infrastructures de tous ordres. Les habitants les plus particulièrement exposés commencent déjà par découvrir l’inondation de leurs maisons et de leurs garages. Qui dit montée des eaux dit forcément dégâts et le pompage pour l’évacuation des eaux indésirables est venu remplacer les travaux de désensablage d’autrefois.  

   En tout état de cause, des mesures concrètes sont actuellement envisagées pour tenter de remédier à la situation par des projets titanesques susceptibles de réhabiliter l’équilibre écologique du Souf.

   Un important projet du secteur de l’hydraulique est en mesure d’être réceptionné dès la fin de l’été 2009 et dont les travaux préparatoires ont déjà atteint un taux d’avancement jugé satisfaisant. Quatre stations de pompage pour l’évacuation des eaux indésirables (eaux stagnantes et eaux usées) sont au menu du programme grâce à un dispositif considérable de canalisations vers la dépression du Chott el-Haloufa près d’ Ouargla. Une partie des eaux collectées sera utilisée localement pour l’irrigation de plantations. Entre autres, il est prévu la rénovation des réseaux d’assainissement des  eaux usées et  des canalisations d’eau potable.

 

 

 

 

 

Publicité
Publicité
28 février 2009

Le Souf: les autres réalisations pendant la colonisation


Les Pistes

   Avant l’arrivée des troupes françaises, les voyageurs se déplaçaient de Biskra à El-Oued  à dos de  dromadaire ou de cheval. Après l’occupation, le Génie militaire fit jalonner cet  itinéraire de  puits et de  bordjs qui marquent encore les étapes de ce long trajet.

   Grâce au constant entretien des tronçons empierrés et à leur amélioration, la piste fut praticable aux véhicules les plus lourds et bientôt un service de cars fonctionna régulièrement entre  Biskra et El-Oued.

 Transports

  Les autorités françaises, soucieuses de développer les moyens de communication, firent étudier des tracés adaptés aux véhicules et aménagèrent les passages les plus difficiles, particulièrement à travers les chotts et les massifs dunaires.


La marche vers la modernité devenait irrésistible


 Un chemin de fer dans le Souf et une gare à El-Oued en 1946-1954 ; rêve ou réalité?

    Aux débuts des années 40, l'Administration française fit des études pour l’établissement d’une voie ferrée entre El-Oued et Biskra rendue possible moyennant un transbordement au niveau de Still, et un autre à Biskra (145 et 220 km d’El-Oued). Cette ligne à écartement de 0,60m, facile à établir, permettait de favoriser les échanges économiques dans la région. Dès février 1946, les travaux avaient commencé pour être achevés dans un délai record fin octobre 1946. Des terrassements pour la plupart ont été effectués mécaniquement (bulldozers, scrapers, etc…) et 150.000 mètres linéaires de voies, posées le plus souvent par éléments montés à l’avance sur le sol aplani. La voie disposait d’un matériel spécial avec petites locomotives Diesel. Cette liaison a beaucoup soulagé la piste et surtout a permis d’assurer un acheminement beaucoup plus régulier des marchandises, ce qui est très important pour les dattes, denrée périssable et soumise à des fluctuations de prix suivant l’époque.

 En 1948 le trafic ferroviaire se résume comme suit:

 Dans le sens Still - El-Oued : 8.300 tonnes dont 6.000 tonnes de céréales, 800 tonnes de denrées alimentaires diverses, 600 tonnes de matériel, et 900 tonnes de divers. La plus grande partie de ce trafic s’effectuait d’octobre à mars, correspondant à la campagne des céréales.

Dans le sens El-Oued – Still : 4.500 tonnes dont 4.400 tonnes de dattes. Le plus gros de ce trafic s’effectuait dans les 4 mois de novembre, décembre, janvier et février correspondant à la campagne des dattes.

   Ainsi le trafic consistait en un échange de dattes contre des céréales et des produits manufacturés divers.

   Malheureusement cette ligne qui n’a pas pu tenir longtemps, concurrencée par les transporteurs routiers privés et l’aviation, a été supprimée en 1954.Voie_ferr_e

 

Liaisons aériennes

   Dès le mois de mars 1912, et l’aviation n’était qu’à ses balbutiements (seulement trois ans après la traversée historique de la Manche par Blériot, et neuf ans après le premier vol d’un engin motorisé plus lourd que l’air effectué par les frères Wright, Wilbur et Orville ), un appareil Farman piloté par deux officiers de l’Armée française avait réussi à braver le désert en effectuant le premier vol entre Biskra et Touggourt en pleine tempête de sable. Le premier crash saharien eut lieu pendant la première guerre mondiale dans l’Erg Oriental lorsque le colonel Leboeuf et le lieutenant De Chatenay,  revenant de Ghadamès à bord d’un avion, périrent de soif, l’appareil ayant du atterrir en catastrophe sur les dunes.

   Construit en 1953-1956, l’aérodrome de Guémar (16 km au Nord d’El-Oued), a été agrandi et modernisé pour être capable d’accueillir les appareils de voyageurs ou de gros tonnage. En 1961, le nombre de voyageurs (touristes notamment) et de fret augmentant sans cesse, les DC3 et DC4 assuraient quotidiennement la liaison Alger-Biskra-El-Oued-Touggourt. Dans l'aérodrome est installée une station météorologique permanente dont les émissions radio sont précieuses pour la navigation aérienne.

   L’avion fut aussi utilisé quasi journellement par les militaires pour des missions de reconnaissance et de surveillance pendant la guerre pour l’indépendance, mais surtout pour les levers aériens qui s’accompagnaient de prospections et permettaient l’établissement de cartes, base indispensable de tout sondage pétrolifère.

   

    

 La centrale électrique fournit le courant aux usagers depuis le 25 décembre 1947.


 

Les P.T.T.

  La recette d'El-Oued a été ouverte peu après l'arrivée des Français. L'agence de Guémar date de 1909, celle de Kouinine de 1924. En 1947, des bureaux neufs sont ouverts à Béhima, Magrane et Z'Goum, celui de Reguiba en 1948.

  Une ligne téléphonique relie El-Oued à Djamaa. En 1928 a été posée la ligne qui, par Néfta et Tozeur, fait la liaison avec la Tunisie. En 1946 est inaugurée la cabine téléphonique de Hassi-Khalifa. En 1947, les cabines de Débila, Réguiba et sidi-Aoune sont ouvertes, en 1948 celles d'Ourmès et de Bayada.

- La création en 1942 de la Coopérative des Tabacs du Souf.
- La création en
1947 du haras camelin.
- La création en 1947
de la Section Artisanale de la S.I.P qui chargée de développer la production des tapis tissés par des artisans formés au C.E.T d’El-Oued, et des tissages de laine par les filles au Centre de Formation Artisanale et Ménagère des Soeurs Blanches.

Prospections du sol:

    La découverte de gaz naturel en 1954 à In-Salah et de pétrole à Hassi-Messaoud et  à Hassi-R’Mel a révélé que de nombreux autres indices d’hydrocarbures existent dans plusieurs autres régions du Sahara, y compris dans le Souf. D’où la multiplication des prospections sismographiques autour d’El-Oued et ses environs dans les années 50. On enregistrait la propagation dans le sol d’ondes sismiques engendrées par une charge détonante (explosif). Aussi, les fortes secousses provoquées par ses essais dans une région ordinairement tranquille avaient fait plus de peur que de mal en pleine guerre de libération nationale.

 

 

 

 

12 février 2009

Le Souf: l'assistance médicale pendant la colonisation

B/ LA SANTE PUBLIQUE

 

 Comme pour la scolarisation, l’assistance médicale fut l’une des premières préoccupations des autorités françaises qui ont mobilisé des médecins militaires pour soigner les populations.

   Les affections les plus fréquentes concernaient particulièrement les maladies oculaires ( trachome, conjonctivite…), maladies endémiques et difficilement évitables dans les zones désertiques.

  D’autres affections : la teigne du cuir chevelu, les maladies pulmonaires et la gastro-entérite sont soignées avec succès.

   Tous les moyens étaient mis en œuvre pour accéder aux zones les plus lointaines. Des centres de santé et des infirmeries ont été réalisés;  des véhicules ont été aménagés pour assister les populations et  les nomades isolés.

  Dès 1908, il a été crée une infirmerie à El-Oued où un toubib détaché de l’Armée prodiguait  les soins médicaux aux civils malades, tandis que des campagnes de vaccination sont menées par des soldats-citoyens.

  De 1943 à 1944, le Lieutenant Lefèvre des Noettes, médecin consultant, qui dirigeait le dispensaire militaire attenant au Bordj Administratif (Annexe d’El-Oued), organisa cette infirmerie et la transforma en un petit hôpital. Le nouvel établissement était équipé d’une salle d’opérations, d’une radiographie, et doté d’une salle d’admission de cinquante lits. Son successeur, un médecin-capitaine, était secondé dans sa charge par une sage femme, quatre sœurs blanches et onze infirmiers et infirmières autochtones qui ont été recrutés et formés par Mr Lefèvre. Quelques années plus tard, l’hôpital disposera d’une salle de consultation, d’une gynécologie et d’une salle d’opération équipée d’un scialytique électrique alimenté en énergie par un groupe. Il fut renforcé, en outre, de deux  salles d’hospitalisation pour hommes et pour femmes, ainsi que d’une pharmacie. Pendant cette période, les moyens de communications était très limités, et les médecins militaires se rendaient à dos de chameau dans les coins les plus reculés pour examiner et soigner les populations isolées.

   Alors qu’un projet pour la construction d’un autre grand hôpital avait été confié à l’architecte Fraisier, la direction de l’ancien hôpital est passée sous la responsabilité d’un jeune médecin  qui venait de terminer un stage de formation médico-sociale à l’hôpital civil de Sétif. C’est Mr Antoine H. qui, arrivé à El-Oued en 1955, devait cumuler les multiples charges de Chef de l’Assistance Médico-Sociale d’El-Oued, Médecin de la Compagnie Méhariste de l’Erg Oriental, Médecin Scolaire du Souf et Médecin des Chemins de Fer Algériens. Ce n’est que quelques mois plus tard qu’un autre médecin devait venir lui prêter main-forte. Médecin Chef de l’hôpital, Mr Antoine était secondé dans sa tâche par quatre sœurs blanches diplômées et plusieurs infirmiers et infirmières encadrés par deux employés compétents et expérimentés de l’établissement, MM Nadjah Abdelhamid et Hoggui Ahmed dit « Bedda Babahoum ». En tant que Médecin Scolaire du Souf, il fit de fréquents déplacements dans les différents villages, accompagné de Melle Auget, Assistante Sociale de Santé Scolaire. Quant à sa fonction en qualité de Médecin des C.F.A, la charge était minime étant donné le nombre très réduit des personnes à traiter.

 El_Oued___Nouvel_h_pital_construit__ann_es_50Le nouvel hôpital d’El-Oued a été inauguré le 6 novembre 1959 par Jacques Soustelle alors Ministre Délégué auprès du Premier Ministre Chargé des Affaires Sahariennes, et ancien Gouverneur Général de l’Algérie (1955). Cet établissement était composé de plusieurs services, à savoir : Médecine Générale – Phtisiologie – Pédiatrie – Maternité – Laboratoire – Pharmacie – Salle d’opérations - Salles d’Admissions d’une capacité de 150 lits pour hommes et femmes. Le personnel soignant était composé de médecins généralistes, de médecins spécialistes, de sœurs blanches diplômées, d‘infirmiers et infirmières toujours sous le regard attentif des deux vétérans: MM Nadjah Abdelhamid et Bedda Babahoum.On compte aussi parmi les infirmières, deux filles juives autochtones d’El-Oued. Par ailleurs, il convient de noter qu’un nombre impressionnant de jeunes bénévoles, viennent appuyer le personnel de l’hôpital pour le seul plaisir d’apprendre à secourir, notamment durant les vacances scolaires. 

 L’œuvre accomplie par les autorités coloniales dans le domaine de la Santé Publique est immense. Les médecins français ont sauvé d’innombrables vies humaines. La vaccination a enrayé les épidémies de variole, de fièvre typhoïde et de typhus. Les antibiotiques ont fait régresser les maladies inflammatoires ou  les infections graves. La mortalité infantile a considérablement diminué et le nombre de médecins et d’infirmiers ne cessait de croitre.

   Plus de cinquante pour cent de la population totale bénéficiait de l’assistance sociale et des consultations gratuites. Par ailleurs, le niveau de vie de la population a été amélioré par de nouvelles conditions de nutrition et d’habitat.

 


Documents:

Epidémie de typhus exanthématique : janvier 1942

   En janvier 1942, la section d’hygiène du Secrétariat de la Société des Nations signale une épidémie de typhus exanthématique avec 1216 cas (dont 72 européens) en Algérie. – El-Oued : 41 cas.

 

 

12 février 2009

Le Souf: l'euvre de scolarisation pendant la colonisation

 

A/ L’EDUCATION

 

 Avant la colonisation française, seules les zaouias ou les mosquées dispensaient une éducation purement religieuse (écoles coraniques). A l’époque, et jusqu’aux années 40, l’apprentissage par cœur du Coran par un élève constituait un évènement important pour la famille qui fêtait l’admission de son fils au rang de « Hafedh Al-Koran »,  après que celui-ci ait récité versets après versets l'intégralité du Coran devant le Taleb (Imam). Par contre, les filles en sont totalement exclues.

 

 Mais cet enseignement d’apparence austère et monotone est interrompu chaque année par une manifestation culturelle qui dure une quinzaine de jours avant la fête de l’Aïd El-Kébir,  par un concours de calligraphie « Khat Al-Aïd » et de dessins géométriques richement colorés. A cette occasion, les élèves s’y adonnent à cœur de joie et les plus doués y trouvent toute la liberté d’exprimer leur talent artistique. Les motifs tolérés se rapportent essentiellement à l’architecture des mosquées et de leurs minarets. L’Islam interdisant toute reproduction de la création, certains osent, sans craindre d’être blâmés, y ajouter des plantes, des papillons ou des oiseaux.

 


DURANT LA COLONISATION:

 Malgré l’extrême dispersion de la population, les efforts des autorités françaises ont porté principalement sur l’enseignement primaire et presque chaque village a été pourvu d’une  école. Entre temps, les moyens de communication se sont développés. Des routes carrossables ont été crées et des lignes téléphoniques établies.

 

  Bien-que les réalisations étaient insuffisantes au début, face au rythme démographique galopant, un fait était néanmoins acquis : la France a suscité au sein de la majorité de la population l’intérêt et le désir de s’instruire. Partout, les écoles sont sollicitées, et le nombre des enfants scolarisés ne cessait d’augmenter. En outre, la scolarisation des filles a cessé de demeurer un tabou. Même les adultes illettrés se pressaient aux cours du soir. L’enseignement du Français jouissait de la faveur générale et aux rentrées d’octobre, les parents se bousculaient devant les écoles (de garçons ou filles) pour y faire admettre leurs enfants.

 

   La première école (Ecole du Centre) a été ouverte à El-Oued en 1884 avec quatre classes et trois logements. Celle de Kouinine en 1884 (Une classe et un logement). Celle de Guémar en 1903 (Trois classes et trois logements). Quant à la première école de filles, elle a été créée à Guémar en 1948 (Deux classes), suivie une année plus tard par celle d'El-Oued (Une classe).

 

  En 1959, le Souf comptait vingt deux écoles composées de 80 classes rassemblant plus de deux mille écoliers et écolières.

 

  En 1960, l’enseignement primaire comptait environ 3500 élèves dont 600 filles repartis dans 90 classes. Le nombre d’élèves atteint 4000 en 1961 repartis dans 105 classes encadrés par 116 instituteurs. Une inspection primaire a ouvert ses portes en 1960 à El-Oued.

   Le CEG (Cours d'Enseignement Général) d'El-Oued construit en 1955, était composé de quatre classes d'une capacité de 100 élèves garçons et filles, et permettait à ces derniers de se présenter au BEG. Il fut renforcé en 1957 d'un internat pouvant accueillir 50 pensionnaires.

 

  En plus de l’enseignement primaire et général, la formation scolaire donnée aux élèves est aussi d’ordre pratique. Un CET (Centre d’Enseignement Technique) comprenant six sections : électricité – plomberie – mécanique- menuiserie - tapisserie – maçonnerie et un CEC (Cours d’Enseignement Commercial), existe depuis 1947 à El-Oued. Ainsi, des ouvriers spécialisés ont été formés pour exécuter des travaux  dont l’économie locale a grandement besoin.

   Par ailleurs, les Soeurs blanches donnaient une instruction pratique à une centaine de jeunes filles d'El-Oued dans un Centre de Formation Artisanale créé en 1942.

 

  C’est sans doute dans son œuvre de scolarisation que la France a vraiment rempli une mission éducatrice à l’égard des populations locales. Et cette œuvre parmi d’autres qui ont doté la région d’une structure moderne ne pourrait qu’inspirer un sentiment de fierté général.

 

   Le corps enseignant était composé en majorité d’instituteurs ou de professeurs Français, auxquels s’ajoutèrent des éléments musulmans originaires du Souf ou venus des oasis environnantes (Biskra, Touggourt).

  Chaque année, les enseignants français, ainsi que leurs familles, se rendaient en France pendant les vacances d’été et parfois à l’occasion de Noël ou de Pâques. Certains ont passé le plus gros de leur carrière, ou même la totalité de leur carrière, dans le Souf. Ils ont accompli leur mission dans des conditions souvent difficiles avec courage et une sincère abnégation. D'autres ont travaillé dans des localités éloignées et déshéritées supportant les plus dures privations, en l’absence de toute commodité, sans électricité ni eau courante, les moyens de communication étant très limités à l’époque. Comme en témoigne cette institutrice (âgée pourtant) qui se déplaçait à travers les dunes à dos de chameau pour aller apprendre à lire et à écrire aux enfants qui habitaient les zones isolées. Malgré ces obstacles, ces « expatriés » venus d’un pays moderne et industrialisé ont fait preuve d’une modestie étonnante et d’un désintéressement total pour mener à bien leur noble tâche auprès de ceux auxquels ils avaient le devoir de diffuser  l’instruction élémentaire.


    Quelques noms de ces éducateurs nous rappellent au moins l’époque de notre enfance que nous considérons très heureuse:

 Mr Cauchois Paul , Mr Catala Gérard et Mme, Melles Canteloup Jeannette et Paoli Marie-Rose,

  Mr Blondel Max et Mme, Mr Boulanger Pierre , Mr Branciard François , Mr Brustel Roger ,

 Mr Jammy pierre, Mr Junjaud Roger , Mr Lannes pierre , Mr Boucrot Jacques , Mr Blay René , Mr Jacques Gohier (Guémar).

 Mr Paquiez René, Mr Voisin Jacques , Mr Voisin André , Mr Willefert Louis.

   Monsieur Voisin André-Roger, Instituteur à El-Oued de 1959 à 1964, a écrit et fait publier un  ouvrage illustré de photos et de croquis sur le Souf, intitulé : « LE SOUF -  monographie- ».

 

NB: Amicale des Soufis

Il existe en France une association baptisée "Amicale des Soufis" dont les adhérents sont en grande partie des enseignants français de toute catégorie qui  ont exercé leur profession dans la région du Souf depuis les années cinquante jusqu'en 1970. Elle publie régulièrement un bulletin de liaison trimestriel dans le but de resserer leurs liens et de faciliter l'échange d'informations. Son président est Ronald GIVELET,  son secrétaire général est Mr André VOISIN,la vice présidente: Mme Yveth BESSOULE et Mr BESSOULE Jean Claude comme secrétaire adjoint.

 

 

 

 

 

 

9 février 2009

Le Souf sous administration française

   Patrouille_de_MeharistesPour s’attirer la sympathie des populations et gagner leur confiance, le Général Laperrine, réussit à faire aboutir un projet déjà ébauché mais que son expérience lui permit de remanier. Sur son initiative, les Tirailleurs et les Spahis sahariens sont remplacés par des unités nouvelles, encadrées par des officiers des Affaires indigènes et composées de nomades sahariens recrutés sur place, tenus de pourvoir eux-mêmes à leur nourriture, à leur vêtement et à leur remonte. Ces compagnies méharistes sont devenues Les Compagnies Sahariennes (1902-1952). Ainsi, de jeunes nomades chaâmbas en quête de travail ont été enrôlés en masse. Un fusil et une solde, ils n'en demandaient pas plus.Tirailleurs___El_Oued_en_1901


   En outre, Il avait pu améliorer le sort des populations misérables par la création et l'aménagement de points d'eau, la création d'écoles et d'infirmeries.


 Officiers_et_GoumiersL’administration politique et administrative du Souf est le résultat d’un compromis entre un désir d’assimiler une population restée  attachée à sa religion et à ses coutumes ancestrales et la reconnaissance de son originalité. A aucune période, les autorités françaises n’ont porté atteinte à la liberté cultuelle ou aux droits des populations autochtones demeurées soumises au droit musulman et à ses traditions. En outre, les autorités françaises ont tenu à marquer aux anciennes familles les égards qui leur sont dus. La justice est musulmane avec une Mahakma de Cadi jugeant en première instance et des Madjelès comme tribunaux d’appel. Cette justice gratuite et rapide où seuls des Oukîls musulmans pouvaient représenter les parties est parfaitement adaptée aux conditions sociales de la population locale. En réalité, le Souf était gouverné par des chefs locaux sous l'autorité de fait de l'administration française.


 Bordj_Administratif_d_El_OuedComme dans toutes les  oasis du Sud ou de l'extrême Sud, la population du Souf n’a pas connu les frustrations et les exactions subies par les populations du Tell de la part des colons. En effet, dans le Sahara ou dans la steppe, le colon n’a jamais pu remplacer le pasteur nomade ou le fellah traditionnel. Dans ces contrées, aucun village de peuplement colonial n’a vu le jour et aucune politique de cantonnement ou de dépossession foncière n'a été pratiquée. Les Souafas sont restés propriétaires de leurs terres et de leurs palmeraies dont ils avaient la jouissance permanente et traditionnelle.


   Tirailleurs___El_Oued_en_1901__la_marche_dans_le_d_sertEntre la population et les autorités françaises s’est constituée une classe d’intermédiaires à la fois porte-paroles de leurs coreligionnaires auprès des français et auxiliaires auprès de ces derniers. A ce souci d’utiliser les élites, souvent humble d'origine, s’ajoute celui de faire accéder les autochtones à tous les échelons des emplois. Pour mener à bien cette  politique, d’énormes  efforts de scolarisation ont été déployés. Ainsi, pour empêcher l'installation de concurrents et garantir l'intérêt économique, on cherchait à utiliser les élites locales en les insérant dans l'administration locale.

   Capitaine_Cauvet_et_les_Goumiers_en_1900La politique de francisation instructive ne débaptisa pas les villages qui gardèrent leurs noms d'origine; et ne dépersonnalisa pas, non plus, la population demeurée fidèle à ses traditions. La création de l'état civil  aboutit à doter la population musulmane de noms patronymiques nouveaux qui finalement s'imposèrent.

 

 

 

 

Publicité
Publicité
7 février 2009

Le Souf: la résistance des tribus à l'occupation

Les tentatives de résistance des tribus et de leurs chefs


Les officiers des bureaux arabes consignèrent dans leurs rapports les  velléités de résistance des Chefs Traditionnels locaux, tenus pour suspects ou condamnés :

 

   M « Ce genre de condamnation permit d’affaiblir le soff des Bou Akkas, qui se voit déposséder de ses leaders actifs. D’autant que ses principaux chefs de guerre traditionnels avaient déjà été conduits dans d’autres départements d’Algérie. Il s’agit de Si Ali Bey Ben Ferhat, l’ex-Caïd de l’Oued-Rhir et du Souf qui a été officiellement destitué de sa fonction traditionnelle au sein du soff et administré à Alger. Les frères Ben Chenouf, anciens caïds du Zab Chergui et des versants méridionaux de l’Aurès, furent mutés à Constantine et placés sous surveillance. Les causes de cette mutation peuvent provenir d’une suspicion déjà antérieure à 1875, provenant d’un fait historique visant à écarter de la scène politique les véritables chefs de la résistance coloniale, dont le Caîd Bouakkas, avant sa mutation à Constantine.

 

  goumiers_vers_1905 «  Les spahis ou les goumiers sont des guerriers d’honneur et fidèles à leur ordre confrérique. Ils peuvent combattre pour un chef qui leur demande de conquérir un lieu. La condition est que le lieu soit une reprise justifiée dans le droit religieux ou le droit foncier ancien arabo-berbère : la reprise de Touggourt au Cherif Bouchoucha par le Caïd Bou Akkas démontre en cela que les tribus sont reconnues comme des élites guerrières. »

 

  goumiers_vers_1905_ « Plus révélateur est le ralliement des tribus insoumises appartenant officiellement au soff  Bou Akkas  mais opposées à leurs sympathies et à leurs alliances traditionnelles. Il s’agit en premier lieu des Ouled Amor (Caïdat du Zab Chergui), des Ghamra (Caïdat des Arab Cheragas), des Guemar, Behima, Débila, El-Oued et les sous-branches sont les Ouled Harkat, Ouled Rahma, Ouled Rabah, Ouled Khaled, Ouled Amor, Ouled Slimane, Ouled Nacer(Caïdat Ouled Zekri).

 

 

   Pour conclure, « ils ont combattu contre le pouvoir colonial en place qui mena sa conquête que l’on qualifie de nouvelle croisade coloniale. La substitution du régime civil au régime militaire avait pour conséquence l’amoindrissement des chefs traditionnels. Malgré l’aman qu’ils ont demandé et le dévouement des spahis pour la défense de la France dans ses guerres contre l’Allemagne, ces derniers médaillés de la légion d’honneur ont été jugés aux tribunaux de guerre, comme belligérants vaincus et leurs tribus d’appartenance furent contraintes à payer une amende. »

 

 

 

 

7 février 2009

Le Souf: l'oeuvre de pacification

LA PACIFICATION DU SOUF 


Laperrine La « pacification »  de la région s’est  concrétisée par  une politique militaire, orchestrée par des hommes de terrain aguerris et familiarisés avec les tribus du désert, le général François- Henry Laperrine, nommé le 6 juillet 1901 Commandant supérieur militaire des Oasis Sahariennes (en poste à Ouargla), et le capitaine Cauvet , Commandant supérieur du Cercle de Touggourt. Le plus souvent, ces officiers agirent sans grand plan d’ensemble, au gré de leur tempérament, et improvisèrent leurs méthodes en les adaptant aux contextes de l'époque ou au hasard des évènements. Comme en témoignent les correspondances ci-dessous adressées par le Général Laperrine au Capitaine Cauvet chargé de l’administration du Souf,  ainsi qu’à son supérieur, le Commandant Fournier à Alger.

 Ouargla le 17 juillet 1918

Mon cher Cauvet,

  « Ton ami Perdriaux devient assomant, le voici qui se met à jouer les « de la Roque ». Les informateurs de Ouargla se plaignent d’être dénoncés aux Chaamba de Ghadamès par ceux d’El-Oued. Cela a même failli mal se terminer pour deux d’entre eux ; heureusement que le Caîmakan, Hadj-Raschid, gouverneur de Ghadamès, malgré une fouille sévère, n’a pu retrouver les laisser-passer et les papiers dénoncés. Ce sont les histoires de 1897 à In-Salah qui recommencent. La Roque contre Didier. Puis Dinaux ayant eu le tort de mettre dans un bulletin de renseignements que Moussa se disposait à marcher contre Djanet, la nouvelle en est arrivée à Ghadamès via El-Oued dans des délais tels que c’est à croire qu’elle venait via bureau. »

    « En juin 1918, les Djerrama faisaient parvenir de Tripoli, où ils se trouvaient depuis 1881, une demande d’aman (indulgence) aux autorités de Ouargla. Le colonel Denaux envoyait alors des émissaires pour discuter de cette proposition. Mais, à peine arrivés, ceux-ci étaient incarcérés. Apparues alors les possibilités que les autorités de Ghadamès avaient été prévenues par celles d’El-Oued. »

« C’est les Oulad Maamar, Cheikh El-Hadj Abderrahmaan, qui demandent l’aman, ils l’ont déjà demandé en 1914, les pourparlers furent interrompus par la guerre. Les Ouled Sliman, Cheikh Tayeb El-Djerammi, sont au contraire anti-français. C’est les Oulad Maâmar dont la démarche a été dénoncée et qui ont été razziés et El-Oued raconte tout le contraire. Si on engage les Ouled Sliman à se fondre aux Ouled Maâmar, on ne réussira qu’à faire piller ces derniers. De plus les Oulad Maâmar très liés aux Chaamba Guebala et affiliés aux Ouled Sidi Cheikh auxquels ils continuent à envoyer des ziara n’ont rien à voir et doivent être mal vus des Quadria et d’El-Hachemi. Je ne vois pas quel avantage on a à vouloir se servir de ce dernier à tout prix.

Bien à toi

H. Laperrine »

 

Ouargla, le 14 septembre 1919

    « Décidément je deviens vieux car je trouve les gens de l’époque où je vis bien bizarres. J’avais envoyé à Fournier pour le groupe mobile de la compagnie d’El-Oued un code chiffré colonial qui me sert pour tous les postes de TSF. J’expliquais que c’était pour que ce groupe mobile put le cas échéant recevoir et comprendre les renseignements ou ordres reçus par le TSF de Lallemand ou de Flatters. »

Ouargla, le 10 octobre 1919

    « … Dernièrement, au milieu d’un déluge de renseignements pacifiques, les Chaambas d’El-Oued et les Messââbas ont eu 195 chameaux et 2000 moutons enlevés par les Touaregs de Tripolitaine. Jai rappelé à Touggourt et El-Oued mes directives : si on n’a pas pu organiser de suite une poursuite sérieuse, prendre son temps et leur ficher dans les jambes un bon contre-rezzou… Dans le rapport mensuel d’El-Oued, j’ai vu qu’une délégation était partie pour Ghadamès implorer l’intervention du Caïmakam !!! encore plus énorme. Où est le temps où tes cinq dissidents assiégeaient Ghadamès ? Comment je m’en vais, j’en’insiste pas d’autant plus que je me demande s’il n’y a pas des ordres récents de Clavery… Garde cela pour toi, je n’ai encore rendu compte à personne sauf un télégramme chiffré à Fournier où je lui disais que j’allais étudier les possibilités de faire marcher Ouargla vers la fin de l’année, si El-Oued ne pouvait rien faire. Il ne m’a pas répondu. Lorsque la rumeur indigène me fera demander des explications, je répondrai c’est l’affaire dont j’ai parlé à Founier (télégramme chiffré communiqué à Alger) mais j’ai été en avance… Les Chaambas sont enragés, le Caïd Ben Hakkoum et plusieurs sont venus me trouver pour me demander l’autorisation de partir en contre-rezzou disant que si les Touaregs ne sont pas secoués après avoir pillé les Chaambas d’El-Oued, ils viendront piller ceux d’Ouargla.»

Notation de Cauvet : « Ce sont Si El-Hachemi et les siens et non Perdriaux, je le suppose du moins.» Le capitaine Perdriaux fut en poste à la compagnie saharienne de Touggourt du 4 avril 1916 au 27 juillet 1918. »


 D’où la lettre du 20-07-1918, adressée par Laperrine au commandant Fournier afin d’éclaircir cette affaire :


 « …j’attire votre attention sur la discordance complète des renseignements recueillis à Ouargla et de ceux recueillis à El-Oued sur les Djeramna. Il ne faut pas que des rivalités d’Annexes fassent tout rater.(…) J’avoue que je suis mal impressionné par la façon dont El-Oued semble contrecarrer tous les projets d’Ouargla. J’espère que nous n’en reviendrons pas aux luttes épiques de 1896 et 1897 entre Constantine et Alger, où le Général de la Roque s’amusait à dénoncer aux Badjoudas les envoyés du colonel Didier à Ain-Salah, ce qui coûta la vie à plusieurs d’entre eux. Cependant, un fait analogue se serait passé à Ghadamès où les   envoyés du colonel Dinaux à Ain-Salah ont été dénoncés au Caïmakan par des envoyés d’El-Oued. Il y a dû avoir également des indiscrétions commises, soit par un excès de confiance des officiers vis-à-vis de certains informateurs, soit par un agent indigène connaissant bien le français. Ainsi, …il a des renseignements ineffables, c’est ainsi qu’il présentait Brahim ag Abakada comme le champion da la pacification or c’est le principal chef de bande avec Abeuh. »


   Touaregs___El_Oued_en_1902Au début, et pour éviter tout embarras, les autorités coloniales optèrent pour un mode d’administration indirecte confiée à des chefs locaux appartenant à la noblesse religieuse ou à l’aristocratie traditionnelle. Le régime militaire maintint, ainsi, dans chaque contrée, son organisation propre, héritée de la domination turque. Les Souafas conservèrent donc leurs institutions traditionnelles, mais l’unité de base resta la tribu, elle-même composée de fractions. Pour les postes inférieurs de Caïds (Chefs de tribus), on reconnut soit les notables investis par l’assentiment de l’opinion, soit des chefs (Bachaghas) désignés par l’administration régionale. Grands ou petits ces chefs avaient pour mission de maintenir la soumission et de percevoir les impôts coutumiers (Achour ou Zakat). A titre de rémunération, ils recevaient le dixième de l’impôt.   



   En tout état de cause, les évènements survenus dans la région n'étaient pas isolés du contexte historique international de l’époque. En effet, une fièvre s'était emparée à partir de 1875 des grandes puissances coloniales, ravivée par la conférence de Berlin en 1885, après que des explorateurs isolés aient déjà traversé le Sahara au milieu du XIXe siècle. Dès lors, des missions étaient systématiquement envoyées par les grandes puissances et l'exploration était devenue inséparable de la conquête. La politique coloniale de la France visait alors essentiellement : 

    -d’une part à empêcher l'expansion de puissances rivales, à acquérir ou améliorer sa position stratégique, à s’emparer des richesses des pays conquis et assurer l’approvisionnement en matières premières, à garantir des débouchés à son industrie;

   -d’autre part, à assurer la libre circulation en forçant les routes commerciales par l'élimination des foyers de piraterie,  à accomplir une mission civilisatrice au nom de l’humanisme des lumières et de l’esprit positiviste et à imposer l’abolition de l’esclavage.

   Pour concrétiser leurs objectifs, les Français avait fondé des comptoirs sur les côtes africaines (Sénégal, Guinée, Côte d’Ivoire, Dahomey et Gabon), dans l’espoir d’une pénétration dans  l’intérieur qu’ils croyaient très peuplé et lié à un commerce actif qu’un Transsaharien pourrait drainer et intensifier. Les difficultés venaient du climat vigoureusement chaud et sec, des immenses distances (L’Afrique noire est isolée de l’Afrique du Nord par le Sahara), des hommes (les redoutables Touaregs), et des musulmans qui sont très hostiles (particulièrement les Senoussis). Ils décident donc d’agir avec lenteur par des explorations et des bonds successifs en profitant des oppositions de différentes ethnies et cultures.

   En tentant une percée horizontale, l’armée française avait occupé les régions entre le Sénégal et le Niger mais s'était heurtée à l’hostilité de deux royaumes musulmans, celui d’Ahmadou fils d’Omar et celui de Samory Touré (René Caillé, déguisé en musulman, ayant déjà exploré en 1828 Tombouctou et sa région). De même qu’elle piétinait dans le Nord du Sahara où elle songeait à renoncer à la pénétration du Sahara par le Nord, après le massacre en 1881 de la mission Flatters attribué aux Touaregs mais inspiré des Senoussis de la Tripoliaine, alliés des Turc. Ahmadou fut repoussé après 1890, Tombouctou occupée en 1894, Samoray capturé en 1898 et le Niger atteint à partir du Dahomey en 1895. Dès-lors, une colonie en suscitait d'autres autour d'elle par souci de sécurité contre les vosins turbulents.

   On avait alors réalisé la liaison par le Sahara malgré la contrainte des Touaregs et la fin des illusions sur le commerce saharien. De 1900 à 1901, une colonne avait détruit le dernier rempart que formait l’empire esclavagiste de Rabah au Tchad lié également aux Senoussis. Au Sahara, Laperrine avait soummis les Touaregs du Hoggar en s’appuyant sur les sédentaires et en laissant aux nomades ralliés leur organisation propre. Aussi, la plupart des états obstacles avait été détruits. Le domaine colonial ainsi acquis formait un bloc de la Méditerranée à l’équateur, ce qui permettait au commerce franco-colonial de se développer régulièrement.


 

6 février 2009

Le Souf soumis, mais non conquis.

MeharisLa conquête

   Sous les prétextes  que des chefs rebelles, Cherif Med Ben Abdallah de Ouargla et Cheikh Selman de Touggourt, se réfugièrent dans le Souf après la chute de leurs ksours, et que les Souafas leur avaient prêté main forte dans leur résistance contre les troupes françaises, le colonel Desvaux (commandant de la subdivision de Batna) lança en décembre 1854 une expédition qui a pour mission la soumission et l’occupation de l’oasis du Souf. Trois colonnes sous les ordres de Desvaux, en provenance de Batna, de Bou Saada et de Laghouat se dirigèrent vers le Souf. Arrivées à hauteur du village de Taghzout le 13 décembre 1854, une délégation de notables du Souf est venue les rencontrer pour leur présenter une demande d'"Aman" (indulgence). Quelques jours plus tard, le colonel Desvaux fit proclamer Caïd du Souf et de Touggourt le notable et Cheikh Si Ali Bey Ben Ferhat. La cérémonie d’investiture se déroula devant les troupes et la population, le nouveau Caïd ayant été habillé par Desvaux du burnous d’ « honneur ». Après le départ de Desvaux, le Cheikh tenta d’organiser une résistance en 1861, mais il fut immédiatement arrêté et interné à Bône (Annaba). En 1870, il réussit à s’enfuir et se rendit à Tripoli où il décéda 1876.

 Comme partout en Algérie, l’arrivée des premières troupes françaises dans le Souf fut ressentie par les notables et la population comme une nouvelle croisade contre leur religion et leur pays. Elle déclencha des reflexes de défense sans grande efficacité face à la puissante offensive de l’armée coloniale

 

 Une annexe fut créée à Touggourt et le Caïdat du Souf qui en dépendait fut confié en 1872 au lieutenant Larbi Mamelouk, un italien converti à l’Islam. Ce dernier, parlant l'arabe et vivant à la manière d'un Caïd traditionnel était entouré de respect et d'égards de la part de la sociéré musulmane avec laquelle il s'est familiarisé. Mais une année plus tard, il fut assassiné par une bande de pillards nomades sur la piste de Biskra où il se rendait avec une escorte de 12 cavaliers.

    Commandant supérieur du cercle de Touggourt, Cauvet notait dans ses mémoires sur le Souf, : « …en 1882, une colonne de surveillance s’installa à Débila où elle occupa un poste optique qui communiquait avec Négrine. Elle y bâtit un petit Bordj gardé par une faible garnison jusqu’en 1887. Cette garnison vint s’installer à El-Oued le 31 mai 1887 à la suite de la création de l’annexe d’El-Oued par arrêté gouvernementale du 17 janvier 1885. Dés la première colonne de 1881, le Lieutenant Deporter, du Bureau Arabe de Biskra, avait été détaché au Souf. Passé sur sa demande au service de renseignements en Tunisie, il fut remplacé par le Lieutenant Schérer qui fut le premier chef de poste à El-Oued. Son successeur, le Capitane Janin, qui fut le premier chef d’annexe d’El-Oued, fut remplacé par le capitaine Abel Farges qui ramena la petite troupe de Débila dans les locaux préparés pour elle à El-Oued, à côté des bâtiments des affaires indigènes ».

 

 Lors de l'attaque d'une petite garnison à Débila en 1906, les troupes françaises perdirent neuf des leurs. Les soldats tués ont été enterrés  sur les lieux du drame dans un cimetière actuellement en ruines à l’Est du  village. C’est le dernier incident majeur survenu dans le Souf jusqu’au déclenchement de la guerre de libération, le 1er novembre 1954.

  A la fin de la première guerre mondiale, Cheikh El-Hachemi tenta de soulever le Souf contre les autorités françaises, mais sans succès. Une nuit la prison d’El-Oued fut ouverte. Dans la caserne, les goums se mutinèrent et le bordj administratif fut assiégé. Cheikh El-Hachemi fut arrêté et fait prisonnier avec ses partisans.

 

 En 1900, Guémar était dirigé par un vieux Cheikh illettré mais dont l’habileté et la sagesse ont fait décider les autorités françaises de le promouvoir au grade de  Caïd du bled. Après sa mort, Khelifa Hadj Mohamed lui succéda au même siège.

                                                  


L’épisode de l'Expédition de Touggourt et d’El-Oued relaté par le Général du Barail (dans ses mémoires Tome II,pp.146.151)

« Cette campagne de l'hiver 1854 fur menée par le Colonel Desvaux.

"La colonne qu'il venait de réunir à Biskra comprenait 650 hommes du 68e de ligne et du 3e de tirailleurs ; 600 chevaux du 3e de chasseurs d'Afrique et du 3e de Spahis ; 1,400 fantassins et 1,000 cavaliers arabes, et une section d'artillerie de deux obusiers de montagne. Arrivé à Mraïer, il lança en avant une avant-garde, composée de deux escadrons de spahis, d'une compagnie de tirailleurs, des cavaliers du goum et d'un détachement de fantassins arabes, et commande par un chef d'escadrons de son régiment, le commandant Marmier, qui poussa jusqu'à l'oasis de Meggarine, située à quelques lieues de Touggourt, où il apprit que les deux chefs rebelles étaient allés soulever les populations du Souf. Le commandant Marmier se mit à leur poursuite. Mais il fut bientôt informé que ses adversaires étaient solidement postés à une oasis appelée Taïbet-el-Guéblia, et lui barraient la route. Comme cette oasis est entourée d'une zone de sable de trois lieues de large, sur laquelle la cavalerie ne peut combattre, le commandant Marmier, qui ne comptait pas beaucoup sur son infanterie arabe, rebroussa chemin, et, le 28 novembre, il revenait coucher près de Meggarine, à un endroit nommé Bou-Beghis. Il était là, dans une excellents position défensive, appuyée sur des jardins de palmiers entourés de murs, ayant devant lui la plaine nue. Mais sa retraite avait enhardi l'ennemi, et, le 29novembre au matin, 500 cavaliers et 2,000 fantassins arabes, dirigés par le chérif et par Si-Selman en personne, s'avançaient hardiment pour le surprendre. La lutte allait avoir lieu entre arabes, puisque le commandant n'avait en main près que des forces indigènes. Mais ces forces étaient encadrées par des Français et disciplinées à l'européenne. Le plan d'attaque était d'ailleurs assez bien conçu. Il consistait à aborder le camp par la plaine avec la cavalerie et à le prendre à revers, au moyen des fantassins qui filaient le long des lignes de palmiers étendues de Touggourt à Meggarine, avec l'espoir de s'emparer de ce dernier village. On croyait si peu à tant d'audace que les tirailleurs avaient démonté leurs fusils pour les nettoyer. Mais ils étaient commandés par un vieux capitaine nommé Vindrios, que rien ne troublait et qui, à la vue des Arabes en marche, au lieu d'affoler ses hommes par des commandements précipités, leur répétait lentement : "Mes enfants, ne vous pressez pas ; vous avez plus de temps qu'il ne vous en faut."
La cavalerie était montée à cheval par alerte, au premier signal, afin de retarder l'attaque, pour donner à l'infanterie le temps de se mettre en défense. Les goums chargèrent les premiers, et ils furent ramenés. Derrière eux, les deux escadrons de spahis, commandés par les capitaines de Courtivron et Clavel, partirent en quatre échelons. Les deux premiers échelons échouèrent, mais le troisième parvint à enfoncer la ligne ennemie. A ce moment les hommes du capitaine Vindrios avaient remonté leurs armes, et, intelligemment postés derrière les murs des jardins, ils accueillirent à coups de fusil l'infanterie arabe qui les assaillait.
L'affaire fut chaude. Au premier rang des combattants se distingua, du côté des Arabes, un Mokadem (chef religieux) qui se fit tuer sur place plutôt que de reculer d'une semelle. Cependant, l'ennemi ne tint pas. Quand il le vit ébranlé, le commandant Marmier ramena toute sa cavalerie à la charge derrière l'escadron du capitaine de Courtivron. Ce fut une déroute. Les Arabes laissèrent sur le terrain 500 morts et quantité d'armes qui, avec cinq étendards, furent les trophées de la journée. Le 1er décembre, à dix heures du soir, le chérif et Si-Selman, qui s'étaient réfugiés à Touggourt, s'échappaient de la ville où le lieutenant Roze, de la légion étrangère, Prussien d'origine, entrait le lendemain matin, à la première heure, bientôt suivi par le commandant Marmier, les spahis et les tirailleurs. Le 5, le gros de la colonne Desvaux arriva en même temps que le commandant Pein, avec la colonne de Bou-Saâda. Enfin le 7, j'arrivai moi-même avec ma colonne, qui passa immédiatement sous les ordres du colonel.
Il m'accueillit avec une joie sans mélange, car je ne lui apportait pas seulement les approvisionnements relativement considérables, véhiculés par mon convoi de chameaux ; je lui procurais, en outre, un appoint de forces indispensable pour qu'il pût continuer dans le Souf  les opérations jugées nécessaires. Il venait de recevoir l'ordre de faire rétrograder toute son infanterie, réclamée par les régiments en partance pour la Crimée.
(...)
Au Souf, où nous arrivâmes le surlendemain, le spectacle change. Le pays est sain, mais désolé.(...) Nous ne restâmes dans le Souf que le temps de recevoir la soumission des cinq villages et d'asseoir notre autorité, en organisant les pouvoirs publics. »

 

 

 

 

 

3 février 2009

Le Souf: les débuts de la colonisation française

Les premiers voyages de reconnaissance:

 L’histoire du Souf pendant la période coloniale est liée à celle de l’Algérie en général, et à celle du Sahara en particulier. Les circonstances dans lesquelles s’est opérée la conquête française de l'Algérie sont trop connues pour être rappelée ici. Aussi, contentons-nous de ne citer simplement que les évènements se rapportant à la région du Souf et des oasis avoisinantes.

 Cible des prétentions coloniales de la France à partir des années 1880, le Sahara est devenu  possession française en 1884, faisant partie intégrante de l’AOF. Les expéditions visant plus spécialement le Sahara se sont organisées  naturellement en Algérie. Tout d'abord, les Français avancèrent vers le Sud la ligne des postes du Sahara d'Algérie, qui, de l'Est à l'Ouest, étaient : El-Oued, dans le Souf; Biskra, dans les Ziban; Touggourt, dans l'Oued-Rir; Ghardaïa, dans le pays des Béni-Mzab; Ouargla, dans la dépression où s'unissent les bas-fonds de l'oued Mia et de la chebka du Mzab.

 La politique d'expansion menée ainsi par la France au Sahara à cette époque est d'ordre stratégique : d’une part, elle vise à damer le pion aux autres puissances en occupant le terrain ;  et d’autre part, à exploiter les ressources potentielles du pays conquis. Par ailleurs, cette vaste zone de sable (Erg) et de roches volcaniques (Hoggar) excitait alors la curiosité de nombreux voyageurs étrangers et français.

Duveyrier___ConvertedA partir de janvier 1860, Henri Duveyrier est officiellement chargé de recueillir des renseignements pour des ministères : Intérieur, Agriculture, Colonies, Algérie, Commerce et Travaux Publics. L'un de ces ministères lui demande même d'étudier les possibilités d'élevage du ver à soie ainsi que la culture du coton dans l'Oued Righ.  Ce voyage a en outre trois objectifs : 1- recueillir sur le Sahara des données géographiques, 2- ouvrir des relations politiques et commerciales avec les populations, 3- préparer l'exploration des régions voisines du Soudan. Parti de Biskra le 4 février 1860, Duveyrier va à El-Oued, à Ouargla et à Touggourt,  il se lance alors sur la piste de Ghadamès à 450 kilomètres d'El-Oued.

 Parallèlement, une mission française quitte Alger en septembre 1862, et arrive à Tripoli le 28, pour en repartir le 4 octobre et gagner Ghadamès le 21. Après la signature de la convention commerciale, le 22 novembre, elle quitte cette ville pour arriver à El-Oued le 11 décembre, en traversant le Grand Erg-Oriental par la voie classique des caravanes. Tandis que Louis Say participe en 1875-1876 au « voyage commercial et scientifique » conduit  par Victor Largneau, en vue de relier El-Oued à  Ghadamès  par Berressof ; deux autres français Lemail et Faucheux, les accompagnent. Partis de Biskra le 28 novembre 1875, ils passent à Touggourt le 1er décembre, El-Oued le 10, et atteignent leur but, Ghadamès le 5 janvier 1876.

 Ces raids, aux objectifs présumés commerciaux et destinés à détourner vers Alger une partie du trafic de la grande oasis Lybienne Ghadamès, via le Souf, préparaient en réalité la grande invasion de l'Afrique par le continent.

 

 

22 janvier 2009

Le Souf avant la colonisation française

Epoque précoloniale


  L’histoire du Souf  est demeurée très vague jusqu’au X ème siècle, et la région n’est sortie de son isolement qu’après l’arrivée des arabes et de l’Islam. Les recherches pour reconstituer l’histoire ou la préhistoire ne sont apparues que très tardivement. Dans bien des cas ce sont les débuts de l’Islam qui marquent l’entrée dans l’histoire, avec l’apparition des cités, certaines étant mentionnées par des manuscrits arabes. Mais pour la préhistoire, il faut attendre jusqu’à la période de la colonisation française.

 

 La découverte entre les dunes de pièces de monnaies puniques, romaines, numidiques et arabes prouvent assez que le Souf a été longtemps le réceptacle de civilisations et de cultures variées. Des villages portent encore des noms d’origine berbère tels que Taksebt, Taghzout, Magrane,Zgoum, Drimini…qui désignent quelques anciens ksours du Souf mais dont la signification est inconnue dans le dialecte local.

 

  Certes, comme en témoignent les appellations de ces villages, les berbères seraient les premiers habitants de la région depuis des millénaires, et qui s’y seraient retirés après sa désertification. En revanche, la population actuelle du Souf, qui ne se revendique pas de la culture berbère, parle un arabe quasi classique et pur (celui du Saint Coran), reposant sur la tradition du prophète, avec cependant un léger accent tunisien ou tripolitain. 

 

 Incontestablement d’origine arabe, et probablement descendants directs des Beni-Adouanes (Arabie) ou des Trouds (Lybiens originaires du Yemen), les souafas seraient les premières tribus à se sédentariser dans cette contrée aréique jadis inhospitalière, et qui, grâce à leur expérience et à leur savoir faire, en matière de culture et d’irrigation du palmier, ont su transformer un bout de désert en une oasis édénique. Des ethnies et des cultures différentes se sont alors superposées et qui font à l’heure actuelle du Souf, une synthèse arabo-berbère. L’histoire du passé du Maghreb nous révèle une imbrication, réalisée de longue date, des peuples berbères et des peuples arabes, auxquels se seraient mêlés des éléments sahéliens

 

Conquête arabe

   Une première série d’invasions arabes au VIIe et VIIIe siècles, provoqua une véritable renaissance de la prospérité antique, et à l’instar de tout le Maghreb, la région prit un caractère oriental nouveau. Après les premiers conquérants, à leur tête Okba Ibnou Nafaa, se répandit la langue arabe et  l’Islam, en même temps que se développèrent des mœurs et un mode de vie inspirés de la tradition du prophète. Mais, par la suite, les nomades Beni Hillal venus d’Arabie au XIe et XIIe siècles entretinrent une demi-anarchie qui eut sur la région un effet dévastateur. Les paysans autochtones se sont peu à peu assimilés aux pasteurs vainqueurs dont ils ont pris les qualités et les défauts. Et contemporainement à  cette période, les Beni-Adouane et les Troudes se fixèrent définitivement dans le Souf, alors qu’une immigration de berbères avec un apport d’esclaves commence à s’amorcer dans la région, devenue un centre caravanier important. Tels sont les éléments constitutifs de la population actuelle d’El-Oued  Souf.

 

DOMINATION TURQUE

 

 Au XVIe siècle, La puissance turque, qui s'était édifiée sur les ruines de la dynastie abasside, occupe  l’Afrique du Nord sauf le Maroc qui est resté un royaume indépendant ; et sous sa domination s’est opérée la division en régence d’Alger et régence de Tunis, tandis que l’Algérie était divisée en quatre provinces: Alger ou "Dar Al-Soultane" soumise à l'administration directe du Dey, et les trois beyliks (provinces de l'Est, du Couchant et du Centre): Constantine - Oran - Médéa, dirigées par des beys secondés par des khalifas. Ces desrniers étaient chargés d'apporter à date fixe, à Alger, le produit de l'impôt. Le Souf et l'Oued Rhir dépendant du beylicat de Constantine étaient soumis à l'autorité théorique du Bey Hadj Ahmed qui a tenu dans la région jusqu'en 1848. Après cette période, qui suivit la disparition du régime turc, le désordre fut général et le temps de l'anarchie s'instaura.


Le Souf avant 1830

  Avant la conquête de l'Algérie par les Français, l'administration turque du pays était réduite à une fructueuse exploitation des populations autochtones soumises à des exactions fiscales. En dépit des incessantes révoltes des tribus contre les Turcs, cette domination tenait solidement le pays en s'appuiyant sur des groupes privilégiés "Maghzen", en entretenant les divisions et les rivalités entre les "çoffs" , en utilisant les influences des confréries et des zaouias.

   Alors que l’Oued-Rhir était entre les mains du Sultan Mohamed Ben-Djellab dans les années 1820, Ahmed bey El- Mamelouk, Gouverneur de Constantine, entreprit une expédition dans l’Oued Rhir et dans le Souf. Ce raid entraîna l’affaiblissement des Ben-Ganah, maîtres du Sud constantinois, et favorisa le retour de leurs rivaux, la tribu des Bou-Akkas dont Debbah était le chef. Les Bou-akkas, tribus arabo-berbères des Dhouaoudas,  menaient une vie semi-nomade dans l’Aurès et le Sud Constantinois, de Batna jusqu’à Ouargla. Le Dernier grand chef des Dhouaouda était Ferhat ben Said Bou-akkaz mort en 1844. Son fils Ali-Bey ben Ferhat Bouakkaz était investi Caïd du Souf et de Touggourt par le colonel Desvaux en 1854 jusqu’en 1871.

 

  Au début des années 1820, Debbah (Chef de la tribu des Bou-Akkas), affaibli par l’âge,  trouva utile de passer le pouvoir à son neveu Ferhat Ben-Saïd, lequel venait de séjourner longuement dans le Souf au milieu des Troud. Or, ces derniers avaient offert refuge au jeune Khazen et sa sœur Tata, fils et fille de l’ancien sultan Ben Djellab de Touggourt, chassés par leur proche, le sultan Mohamed Ben-Djellab. Farthat Ben-Saïd épousera Tata, puis influencé par sa femme et soutenu par les Troud, il décide de tirer vengeance de Mohamed Ben-Djellab.

 

 Vers 1827, Ahmed-El-Mamelouk qui venait de reprendre le gouvernement du beylik de Constantine entendait écarter les Ben-Ganah considérés hostiles au régime turc. Profitant de ces circonstances, Farhat Ben-Saïd se rendit à Constantine pour sensibiliser le Bey sur la nécessité de rétablir la situation dans le  Souf et l’Ouad-Rhir, demeurés sans maître et sans direction après la déchéance des Ben Ganah ;  tout en nourrissant l’espoir de succéder  à ces derniers.

 

   Il réussit à le convaincre et lui demanda le caïdat de Touggourt, offrant de lui verser d’alléchantes sommes d’argent pour son appui. Le bey Ahmed lui remit alors deux lettres  destinées à son oncle Debbah, Cheikh-El-Arab, et le khalifa du Sahara, Abdallah Ben-Zekri, occupés pendant ce temps, avec la colonne d’hiver, à faire rentrer les impôts, dans l’Oued- Djedi.

 

 Rassuré, Farhat alla à la rencontre des deux chefs, mais ne parvint pas à les convaincre de  mener une expédition contre Touggourt, les moyens humains et matériels dont ils disposaient étaient insuffisants. Ce qui amena Ferhat Ben-Saïd à retourner à Constantine pour persuader le Bey Ahmed El-Mamelouk de diriger lui-même une colonne dans le Sud.

 

 Accompagné par Farhat et son oncle Debbah, Ahmed bey Le Mamelouk ne rencontra aucune opposition dans l’Ouad-Rhir et entra sans coup férir à Touggourt. Mohamed Ben-Djellab qui ne fit pas de résistance s’était réfugié, avec toutes ses forces, derrière les remparts des Ksours. Mais devant son refus de se rendre, Ahmed-El-Mamelouk commença par ouvrir des brèches et à faire abattre les palmiers. Debbah et sa femme intervinrent pour négocier et proposèrent un compromis entre lui et Mohamed Ben-Djellab, moyennant le payement d’un lourd tribut constitué d’importantes sommes d’argent et de présents divers. Satisfait de la réussite de l’expédition, le bey repartit vers sa capitale et rentra triomphalement à Constantine, monté sur un méhari richement harnaché  et muni d’un butin considérable.

 

 Mais ce dénouement, pour le moins heureux, pour les deux camps provoqua la colère de Ferhat Ben-Saïd qui constata ainsi l’échec total de ses plans. Il prit ses distances avec son oncle Debbah, et pour se venger, il n’hésita pas, avec l’aide des Troud, à lancer des razzias et à couper les routes pour le Sud.

 

  Ayant eu vent de ces agissements, Ahmed-El-Mamelouk organisa une riposte en conduisant lui-même une colonne qui atteignit sans encombre l’Oued Rhir  et le Souf et entra victorieusement à El-Oued. Impuissant de faire face aux forces du Bey, Farhat Ben Saïd se retira à Ghdamès. A Touggourt, Mohamed-Ben-Djellab se réjouit de cette expédition et renouvela son hommage d’allégeance au Bey en lui offrant encore des présents.

 

 

Documents

 Le célèbre sociologue, philosophe et historien Ibn Khaldoun écrivait à la fin du XIII ème siècle, à propos de la région du sud-ouest  du Djerrid : « On trouve des berbères dans les pays des dattiers depuis Ghadamès jusqu’au Sous-El-Aqsa, et l’on peut dire qu’ils forment à peu près toute la population des villages situés dans la région des dattiers du désert ». (Sous-El-Aqsa se trouve au sud du Maroc).

 Le seul manuscrit arabe digne de foi qui nous est parvenu est le « Kitab El-Adouani » (livre d’El-Adouani) datant du début du IX ème siècle, et traduit en 1868 par Ch. Féraud.

« Sous le Khalifa de Othmane Ben Affan (647), les musulmans firent la conquête de l’Afrique. Parmi eux se trouvait un homme des Beni Makhzoum nommé Adouan. Les arabes s’étaient retirés, Adouane décida d’y rester. Il se maria avec une femme berbère et se fixa dans le Souf. Sa famille prospéra à tel point que des gens de tous les pays accoururent pour vivre à côté d’elle, et c’est ainsi que s’accrût la population des Ksours Adouane ».

    Duveyrier notait dans son journal de voyage que les premiers arabes parus au Souf étaient des "Abadia".


     Selon Ernest Mercier (Historien de l’Afrique du Nord), les berbères Haouara occupèrent la région située au Sud des Chott constantinois (Sud de Biskra et Nord du Souf) et tunisiens (Djerrid) au moment des premiers raids arabes. Ils furent refoulés au Nord et au Sud par les envahisseurs.

 

     Enfin, le conquérant Sidi Okba plaça un de ses lieutenants, Hassan, à la tête de toute la région comprise entre Biskra et Ouargla. Les Adouane du Souf seraient les descendants de Adouane venu pendant la première expédition musulmane en Afrique du Nord (VII ème siècle) appartenant à la tribu Koréichite de Beni Makhzoum.

 

 

 

 

Publicité
Publicité
1 2 > >>
Publicité