Le Souf avant la colonisation française
Epoque précoloniale
L’histoire
du Souf est demeurée très vague jusqu’au
X ème siècle, et la région n’est sortie
de son isolement qu’après l’arrivée des arabes et de l’Islam. Les recherches pour reconstituer l’histoire ou la préhistoire
ne sont apparues que très tardivement. Dans bien des cas ce
sont les débuts de l’Islam qui marquent l’entrée dans l’histoire, avec l’apparition des cités,
certaines étant mentionnées par des manuscrits arabes. Mais pour la
préhistoire, il faut attendre jusqu’à la période de la colonisation française.
La
découverte entre les dunes de pièces de monnaies puniques, romaines,
numidiques et arabes prouvent assez que le Souf a été longtemps le réceptacle
de civilisations et de cultures variées. Des villages portent encore des noms d’origine berbère
tels que Taksebt, Taghzout, Magrane,Zgoum, Drimini…qui désignent quelques
anciens ksours du Souf mais dont la signification est inconnue dans le dialecte
local.
Certes, comme en
témoignent les appellations de ces villages, les berbères seraient les premiers
habitants de la région depuis des millénaires, et qui s’y seraient retirés
après sa désertification. En revanche, la population actuelle du Souf, qui ne
se revendique pas de la culture berbère, parle un arabe quasi classique et pur
(celui du Saint Coran), reposant sur la tradition du prophète, avec cependant
un léger accent tunisien ou tripolitain.
Incontestablement
d’origine arabe, et probablement descendants directs des Beni-Adouanes (Arabie)
ou des Trouds (Lybiens originaires du Yemen), les souafas seraient les premières tribus à se
sédentariser dans cette contrée aréique jadis inhospitalière, et qui, grâce à
leur expérience et à leur savoir faire, en matière de culture et d’irrigation du
palmier, ont su transformer un bout de désert en une oasis édénique. Des ethnies et des cultures différentes se sont alors superposées
et qui font à l’heure actuelle du Souf, une synthèse arabo-berbère. L’histoire
du passé du Maghreb nous révèle une imbrication, réalisée de longue date, des peuples
berbères et des peuples arabes, auxquels se seraient mêlés des
éléments sahéliens
Conquête arabe
Une première série d’invasions arabes au VIIe et VIIIe siècles,
provoqua une véritable renaissance de la prospérité antique, et à
l’instar de tout le Maghreb, la région prit un caractère oriental nouveau.
Après les premiers conquérants, à leur tête Okba Ibnou Nafaa, se répandit la
langue arabe et l’Islam, en même temps que se développèrent des mœurs et
un mode de vie inspirés de la tradition du prophète. Mais, par la suite, les
nomades Beni Hillal venus d’Arabie au XIe et XIIe siècles entretinrent une demi-anarchie
qui eut sur la région un effet dévastateur. Les paysans autochtones se sont peu
à peu assimilés aux pasteurs vainqueurs dont ils ont pris les qualités et les
défauts. Et contemporainement à cette période, les Beni-Adouane et les
Troudes se fixèrent définitivement dans le Souf, alors qu’une immigration de
berbères avec un apport d’esclaves commence à s’amorcer dans la région,
devenue un centre caravanier important. Tels sont les éléments
constitutifs de la population actuelle d’El-Oued Souf.
DOMINATION TURQUE
Au XVIe siècle, La puissance turque, qui s'était édifiée sur les ruines de la dynastie abasside, occupe l’Afrique du Nord sauf le Maroc qui est resté un royaume indépendant ; et sous sa domination s’est opérée la division en régence d’Alger et régence de Tunis, tandis que l’Algérie était divisée en quatre provinces: Alger ou "Dar Al-Soultane" soumise à l'administration directe du Dey, et les trois beyliks (provinces de l'Est, du Couchant et du Centre): Constantine - Oran - Médéa, dirigées par des beys secondés par des khalifas. Ces desrniers étaient chargés d'apporter à date fixe, à Alger, le produit de l'impôt. Le Souf et l'Oued Rhir dépendant du beylicat de Constantine étaient soumis à l'autorité théorique du Bey Hadj Ahmed qui a tenu dans la région jusqu'en 1848. Après cette période, qui suivit la disparition du régime turc, le désordre fut général et le temps de l'anarchie s'instaura.
Le Souf avant 1830
Avant la conquête de l'Algérie par les Français, l'administration turque du pays était réduite à une fructueuse exploitation des populations autochtones soumises à des exactions fiscales. En dépit des incessantes révoltes des tribus contre les Turcs, cette domination tenait solidement le pays en s'appuiyant sur des groupes privilégiés "Maghzen", en entretenant les divisions et les rivalités entre les "çoffs" , en utilisant les influences des confréries et des zaouias.
Alors
que l’Oued-Rhir était entre les mains du Sultan Mohamed Ben-Djellab dans les années
1820, Ahmed bey El- Mamelouk, Gouverneur de Constantine, entreprit une
expédition dans l’Oued Rhir et dans le Souf. Ce raid entraîna l’affaiblissement
des Ben-Ganah, maîtres du Sud constantinois, et favorisa le retour de leurs
rivaux, la tribu des Bou-Akkas dont Debbah était le chef. Les Bou-akkas, tribus
arabo-berbères des Dhouaoudas, menaient
une vie semi-nomade dans l’Aurès et le Sud Constantinois, de Batna jusqu’à
Ouargla. Le Dernier grand chef des Dhouaouda était Ferhat ben Said Bou-akkaz
mort en 1844. Son fils Ali-Bey ben Ferhat Bouakkaz était investi Caïd du Souf
et de Touggourt par le colonel Desvaux en 1854 jusqu’en 1871.
Au début des années 1820, Debbah (Chef de la
tribu des Bou-Akkas), affaibli par l’âge, trouva utile de passer le pouvoir à son neveu
Ferhat Ben-Saïd, lequel venait de séjourner longuement dans le Souf au milieu
des Troud. Or, ces derniers avaient offert refuge au jeune Khazen et sa sœur
Tata, fils et fille de l’ancien sultan Ben Djellab de Touggourt, chassés par leur
proche, le sultan Mohamed Ben-Djellab. Farthat Ben-Saïd épousera Tata, puis influencé
par sa femme et soutenu par les Troud, il décide de tirer vengeance de Mohamed
Ben-Djellab.
Vers
1827, Ahmed-El-Mamelouk qui venait de reprendre le gouvernement du beylik de
Constantine entendait écarter les Ben-Ganah considérés hostiles au régime turc.
Profitant de ces circonstances, Farhat Ben-Saïd se rendit à Constantine pour sensibiliser
le Bey sur la nécessité de rétablir la situation dans le Souf et l’Ouad-Rhir, demeurés sans maître et
sans direction après la déchéance des Ben Ganah ; tout en nourrissant l’espoir de succéder à ces derniers.
Il
réussit à le convaincre et lui demanda le caïdat de Touggourt, offrant de lui
verser d’alléchantes sommes d’argent pour son appui. Le bey Ahmed lui remit
alors deux lettres destinées à son oncle
Debbah, Cheikh-El-Arab, et le khalifa du Sahara, Abdallah Ben-Zekri, occupés
pendant ce temps, avec la colonne d’hiver, à faire rentrer les impôts, dans
l’Oued- Djedi.
Rassuré,
Farhat alla à la rencontre des deux chefs, mais ne parvint pas à les convaincre
de mener une expédition contre Touggourt,
les moyens humains et matériels dont ils disposaient étaient insuffisants. Ce
qui amena Ferhat Ben-Saïd à retourner à Constantine pour persuader le Bey Ahmed
El-Mamelouk de diriger lui-même une colonne dans le Sud.
Accompagné
par Farhat et son oncle Debbah, Ahmed bey Le Mamelouk ne rencontra aucune opposition dans
l’Ouad-Rhir et entra sans coup férir à Touggourt. Mohamed Ben-Djellab qui ne fit pas de résistance s’était
réfugié, avec toutes ses forces, derrière les remparts des Ksours. Mais devant
son refus de se rendre, Ahmed-El-Mamelouk commença par ouvrir des brèches et à faire
abattre les palmiers. Debbah et sa femme intervinrent pour négocier et proposèrent
un compromis entre lui et Mohamed Ben-Djellab, moyennant le payement d’un lourd
tribut constitué d’importantes sommes d’argent et de présents divers. Satisfait
de la réussite de l’expédition, le bey repartit vers sa capitale et rentra triomphalement
à Constantine, monté sur un méhari richement harnaché et muni d’un butin considérable.
Mais
ce dénouement, pour le moins heureux, pour les deux camps provoqua la colère de
Ferhat Ben-Saïd qui constata ainsi l’échec total de ses plans. Il prit ses
distances avec son oncle Debbah, et pour se venger, il n’hésita pas, avec
l’aide des Troud, à lancer des razzias et à couper les routes pour le Sud.
Ayant eu vent de ces agissements, Ahmed-El-Mamelouk
organisa une riposte en conduisant lui-même une colonne qui atteignit sans
encombre l’Oued Rhir et le Souf et entra
victorieusement à El-Oued. Impuissant de faire face aux forces du Bey, Farhat
Ben Saïd se retira à Ghdamès. A Touggourt, Mohamed-Ben-Djellab se réjouit de
cette expédition et renouvela son hommage d’allégeance au Bey en lui offrant
encore des présents.
Documents
Le
célèbre sociologue, philosophe et historien Ibn Khaldoun écrivait à la fin du
XIII ème siècle, à propos de la région du sud-ouest du Djerrid : « On trouve des berbères
dans les pays des dattiers depuis Ghadamès jusqu’au Sous-El-Aqsa, et l’on peut
dire qu’ils forment à peu près toute la population des villages situés dans la
région des dattiers du désert ». (Sous-El-Aqsa se trouve au sud du Maroc).
« Sous le Khalifa de Othmane Ben Affan (647), les
musulmans firent la conquête de l’Afrique. Parmi eux se trouvait un homme des
Beni Makhzoum nommé Adouan. Les arabes s’étaient retirés, Adouane décida d’y
rester. Il se maria avec une femme berbère et se fixa dans le Souf. Sa famille
prospéra à tel point que des gens de tous les pays accoururent pour vivre à
côté d’elle, et c’est ainsi que s’accrût la population des Ksours
Adouane ».
Duveyrier notait dans son journal de voyage que les premiers arabes parus au Souf étaient des "Abadia".
Selon Ernest Mercier (Historien de l’Afrique du Nord), les berbères Haouara
occupèrent la région située au Sud des Chott constantinois (Sud de Biskra et
Nord du Souf) et tunisiens (Djerrid) au moment des premiers raids arabes. Ils
furent refoulés au Nord et au Sud par les envahisseurs.
Enfin, le
conquérant Sidi Okba plaça un de ses lieutenants, Hassan, à la tête de toute la
région comprise entre Biskra et Ouargla. Les Adouane du Souf seraient les
descendants de Adouane venu pendant la première expédition musulmane en Afrique
du Nord (VII ème siècle) appartenant à la tribu Koréichite de Beni
Makhzoum.